Bolivie, vignobles entre ciel et terre
L’histoire viticole de la Bolivie remonte à 1548 avec l’arrivée des conquérants espagnols, semblable à quelques années près à ses voisins sud-américains. Avec un total de 3000 hectares, la Bolivie compte de nombreuses vallées où le vin est produit : la vallée centrale de Tarija avec 2.400 hectares de vignes (1.600 – 2.150 mètres d’altitude) ; la vallée de Los Cintis avec 300 hectares (2.220 – 2.414 m d’altitude) ; la vallée de Santa Cruz avec 100 hectares (1.600 – 2.030 m d’altitude) et divers vallées à Potosí, La Paz et Cochabamba, avec près de 200 hectares entre 1.600 et 3.000 mètres d’altitude.
Mais deux zones distinctes se détachent :
- TARIJA : Première région viticole de Bolivie
La route des vins bolivienne passe par Tarija où on produit un vin d’altitude. Les raisins poussent à environ 2.000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les coups de sécateur claquent et les grappes s'empilent dans des cageots en plastique. C'est la fin mars et les vendanges se déroulent comme dans n'importe quel vignoble, sauf qu'à Tarija, les parcelles s'étagent entre 1.700 et 2.400 mètres d'altitude, sur les contreforts de la cordillère des Andes.
La région de Tarija représente 83% de la production nationale en vin. Cela s’explique par son doux climat et son sol fertile, rappelant les régions viticoles d’Espagne. Comme dans l’ensemble de l’Amérique latine, ce sont les Jésuites qui ont importé la vigne dans le pays, pour les besoins de la messe. Le cabernet sauvignon est particulièrement présent dans cette région. C’est un cépage qui s’adapte très bien à tous les sols et qui produit des vins colorés et tanniques reconnaissables.
"C'est une viticulture extrême", explique l'oenologue Nelson Sfarcich, qui travaille pour plusieurs "bodegas" (caves à vin) de Tarija, près de la frontière argentine.
- VALLEE LOS CINTIS : écologie et authenticité
Plus au Nord, dans la région de Chuquisaca, la route des vins continue vers la vallée Los Cintis. Les bodegas qui s’y trouvent sont plus rustiques et traditionnelles que celles de la région de Tarija et produisent beaucoup de singani, la liqueur nationale à base de raisin. La chaîne de montagnes du Cerro Cuchilluni qui protège la vallée des vents forts et son climat tempéré en font une région particulièrement propice à la culture de la vigne. En outre, le sol est chargé en fer et procure aux fruits une saveur unique que l’on retrouve dans les vins du terroir. Ici on cultive beaucoup de muscat d’Alexandrie pour le vin blanc et le singani, du merlot et du riesling importé par les Jésuites allemands. On retrouve également du torrontés, le vin emblématique du Nord-Ouest argentin.
Les Boliviens doivent produire plus d'efforts que les autres. Ainsi, Cette haute altitude combinée à un climat chaud et sec et des sols calcaires a forgé un terroir particulier : "Nous devons faire plus d'efforts que d'autres pour obtenir des vins de qualité. Il nous a fallu des années d'étude, de micro-vinification, pour définir quels cépages étaient les mieux adaptés", raconte Nelson Sfarcich. "C'est le cas du Côt et du Merlot. Le Tannat fonctionne aussi très bien, ou encore le Petit Verdot. Ils donnent des vins avec beaucoup d'arômes de fruits rouges, comme la myrtille ou la prune. Nos vins blancs vont plutôt vers des arômes d'ananas ou citriques", explique M. Sfarcich. Si cette viticulture sous des latitudes extrêmes ne convient pas à de nombreux cépages classiques, le fait que Tarija ne compte que très peu de jours de froid dans l'année permet tout de même d'obtenir des rendements et une qualité intéressante, note l'oenologue, à l'image des terroirs sud-africain et australien. Quant à la question de la raréfaction de l'oxygène, elle ne se pose pas en deçà de 2.500 mètres d'altitude.
Introduit dans la région au XVIIème siècle par les jésuites espagnols, le vin n'a jamais séduit massivement les Boliviens, qui n'en consomment qu'un peu plus d'un litre par personne dans l'année, très loin par exemple des 54 litres bus par les Français. "La viticulture s'est industrialisée ici il y a à peine quinze à vingt ans", souligne Nelson Sfarcich. "Les Boliviens s'intéressent au vin depuis peu de temps mais la consommation augmente petit à petit et notre défi est d'inclure le vin dans le régime de nos compatriotes". Les viticulteurs boliviens voient également au-delà de leurs frontières. Jose Luis Porcel, le président de l'Association nationale des industries viti-vinicoles (ANIV) est confiant en l'avenir : "Nous avons déjà exporté en Espagne, aux Etats-Unis, au Canada ou encore en France, mais dans des petits volumes. Ça nous a surtout servi en termes d'image. Les retours sont positifs et nous pouvons affirmer qu'à moyen terme, nous pourrons consolider nos exportations".
"Il ne faut pas oublier que nos raisins sont produits à environ 2.000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Nous pouvons donc parler de "vins d'altitude", ce qui nous offre un créneau marketing pour la commercialisation que nous, Boliviens, n'avons pas encore exploité". Jose Luis Porcel affirme aussi que les "bodegas" de Tarija ont la capacité d'augmenter leur production, qui n'est pour l'instant que de 5,5 millions de litres par an, avec environ 2.500 hectares de vignes, contre plus de 210.000 hectares en Argentine.
"Nos bouteilles ont gagné quelques prix à l'étranger et cela surprend le monde du vin", raconte fièrement Javier Castellano à une trentaine de touristes venus d'Europe et d'Amérique Latine pour parcourir la "Route du Vin" de Tarija, un circuit d'environ quarante kilomètres dans un vert paysage de vallées. On y visite notamment des "bodegas" familiales qui produisent encore un vin fort et sucré de façon artisanale.
Le guide touristique estime que le décollage de la viticulture locale a dopé le tourisme dans la région: "Tarija n'a jamais été une destination pour ceux qui visitent la Bolivie. Mais aujourd'hui, le principal produit touristique de la région, c'est le tourisme oenologique. C'est grâce au vin par exemple que l'affluence de touristes européens est en train de croître fortement". Quinze ans à peine après le passage à l'échelle industrielle, l'activité viti-vinicole bolivienne pèse déjà environ 35 millions d'euros et fait vivre directement quelque 4.000 familles, d'après les chiffres de l'ANIV.
Pour les Boliviens, Le SINGANI : liqueur nationale de Bolivie. Le Singani est à la Bolivie ce que le Pisco est au Pérou : son alcool phare. Elaboré à partir du cépage muscat d’Alexandrie, ce sont les conditions géographiques et météorologiques de la Bolivie qui ont poussé les viticulteurs à créer cette liqueur singulière. D’une part, les vignes produisent des raisins très concentrés en sucre grâce à une haute altitude et une forte exposition solaire, propices à la production d’alcools sirupeux. D’autre part, les pluies violentes caractéristiques de la région de Tarija rendent parfois impossible la récolte des fruits à maturation. Les viticulteurs ne peuvent donc pas conserver le vin pendant de longues périodes et ont eu l’idée d’avoir recourt à la distillation plutôt qu’à la fermentation pour pallier cet inconvénient. C’est ainsi qu’ils obtiennent une liqueur de raisin à 70 ° : le singani. Très populaire, il peut se boire pur ou en cocktails : le Chufflay (singani, limonade), le Poncho Negro (singani, coca) ou encore le Yungueñito (singani, jus d’orange).
Bonne dégustation
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